Paul Biya : ‘’ Me voici donc à Genève ‘’

 

Un nouveau séjour du couple présidentiel camerounais en terres helvétiques qui s’annonce déjà sous haute tension.
Après l’épisode des manifestations violentes de la Brigade Anti-Sardinards, Paul Biya et son épouse Chantal Biya sont pour ce voyage, placés sous étroite surveillance des forces de l’ordre suisse.
Dans une tribune parue ce lundi 12 juillet 2021,  Jean Calvin Zo’obo Ovono, revient sur l’historique des déplacements du Président camerounais en Europe.
Constat : les rapports entre le Chef de l’Etat et les camerounais de la diaspora, n’ont jamais été un long fleuve tranquille.
Lecture.

 

1991 : Le Cameroun vit une crise politique bouillonnante. L’opposition camerounaise, avec à sa tête le SDF, tient la rue et paralyse l’économie. Ses mots d’ordre de désobéissance civile, pour réclamer la tenue d’une Conférence nationale souveraine sont massivement suivis, surtout dans la ville de Douala qui se montre particulièrement hostile à Paul Biya. Sur les berges du Wouri, on clame haut et fort ‘’Biya must go!’’ ou encore ‘’We go cash Biya !’’.

Mars 1991, l’opposition lance les villes mortes pour asphyxier le pays et contraindre M. Biya à organiser la Conférence Nationale Souveraine. En avril, l’agitation s’amplifie. Le 10 avril, le feu est mis au siège des Brasseries du Cameroun à Douala. Les vendeurs à la sauvette manifestent, les conducteurs de taxi observent un mouvement d’humeur. L’opposition fixe une date limite à Paul Biya pour l’organisation de la Conférence Nationale : le 10 mai 1991. Un nouvel ultimatum est fixé au 15 juin. Mais Paul Biya garde un calme olympien. Plus grave, le 27 juin, dans un discours devant l’Assemblée Nationale, il déclare : « Je l’ai dit et je le maintiens : la conférence nationale est sans objet pour le Cameroun…’’ Nouvelle vague de violence.     

C’est dans ce climat particulièrement hostile que l’homme du 6 novembre entame dès le 28 août 1991, une tournée dans les dix régions du Cameroun. Pour une bonne partie de l’opinion nationale, Paul Biya esquivera l’étape de Douala. Peu de monde, y compris dans son entourage immédiat, était en mesure de parier le moindre sou sur la visite du président de la République dans ce chaudron de la contestation.  L’opposition jure qu’il n’osera jamais mettre les pieds à Douala et lui promet mille et une choses. Mais comme un gladiateur dans l’arène, Paul Biya se présentera à Douala. A la Place de l’UDEAC, il prononcera cette phrase mythique : ‘’Me voici donc à Douala…’’ Pour la suite, il est rentré à Yaoundé et tient le gouvernail jusqu’aujourd’hui.

2021: Le papy d’Etoudi, 88 ans, vient de remettre ça, de la façon la plus insolente. Le 3 juillet 2021 en effet, des milliers de Camerounais hostiles au régime Biya se sont rassemblés à la Place de la République à Paris pour une manifestation contre le pouvoir de Yaoundé. De nombreux manifestants arboraient des tee-shirts de couleur bleue avec le message : «L’alternance c’est Kamto». En effet, pour les manifestants, il s’agit là du début d’une vague de manifestations visant à faire partir Paul Biya du pouvoir. 8 jours après, las d’attendre ces manifestants au Palais de l’Unité, le Chef de l’Etat a décidé d’aller vers eux, sur leur terrain de prédilection.

 

 Le Président de la République, accompagné de Mme Chantal Biya, a quitté Yaoundé le dimanche 11 juillet 2021, en fin de matinée, pour un bref séjour privé en Europe. En effet, pour ses vacances, Paul Biya a choisi d’assister un de ses parents en Suisse. Il fera certainement un tour à la Clinique de Val-Mont pour son bilan de santé, non sans manquer de rendre visite à son joaillier pour s’acheter de nouvelles montres (c’est un président bling bling). Nonobstant l’agitation des activistes camerounais basés en Europe qui certainement parleront encore d’un assaut final sur l’hôtel qui accueille l’homme Lion comme en juin 2019, l’on imagine déjà Paul Biya en train de se dire « Me voici donc à Genève ».

1991 – 2021:  30 ans exactement. L’histoire se répète. Le Chef de l’Etat, dans son style jupitérien, vient une fois encore de montrer qu’il aime bien la provoc, la défiance. C’est par petites doses qu’il lance toujours des piques à ses adversaires, avec des bouts de phrase devenus célèbres : ‘’ La gesticulation n’est pas un signe de vitalité…. Quand Yaoundé respire, le Cameroun vit… Les apprentis sorciers… Je ne commente pas les commentaires… Les petits partis politiques…’’. Mais parfois, il pose des actes qui démontrent à suffire qu’il mérite bien ces qualificatifs qu’on lui attribue régulièrement : ‘’l’insubmersible, l’inoxydable…’’

Jean Calvin Zo’obo Ovono

 

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