Tribalisme : « Richard Bona a accusé le Régime « Beti » d’avoir tué le Makossa dans l’optique de promouvoir le Bikutsi »

Cette opinion est du camerounais Erok Pierre. A l’en croire, le bassiste engagé Richard Bona a tenu de très graves allégations concernant le régime en place, notamment l’identité musicale du pays.
Des idées tribalistes extrêmement graves qui ne devraient pas rester impunies à l’en croire.
Afripulse vous propose ci-dessous l’intégralité de sa tribune.

LE MAKOSSA, LE BIKUTSI ET… RICHARD BONA.

Richard Bona a jeté un autre) pavé dans la mare, en accusant le Régime « Beti » de Yaoundé d’avoir tué le Makossa dans l’optique de promouvoir le Bikutsi. J’avais déjà entendu le journaliste Eric chinje dire la même chose au cours d’un débat organisé par Alain Foka du RFI au sujet de la crise anglophone. Cette digression de EricChinje, ainsi que la sortie récente de Richard Bona sont, de mon point de vue, à inscrire dans le « Beti-bashing » qui fait rage dans notre Pays.

Il faut dire que le grand Peuple Beti-Ekang paye ainsi et malheureusement, pour l’ensemble de l’œuvre d’une minorité de ses fils, qui n’ont pas brillé par leur patriotisme…Mais son silence (consentant ?) ne plaide pas non plus en sa faveur, quand ce peuple ne s’illustre pas lui-même par des expressions provocatrices telles que « I MOT A WOK ILOUN AKORO… ALIG BIA BIOM BIAM » dont la traduction approximative est «CELUI QUI N’EST PAS CONTENT S’EN VA ET NOUS LAISSE AVEC NOS CHOSES »,  ou encore « BIA KA BO NALA …DJOM TEGE BO», Dont la traduction approximative est « NOUS AVONS TOUJOURS FAIT COMME ÇA (c’est-à-dire  détourner les fonds publics)… ET IL NE S’EST RIEN PASSE ».

MAIS JE DIS SANS AMBAGES QUE LA FUMISTERIE DEVELOPPEE AUJOURD’HUI PAR RICHARD BONA ET HIER PAR ERIC CHINJE, RELEVE DE LA PURE MALHONNETETE INTELLECTUELLE A DES FINS DE POLITIQUE POLITICIENNE.

Et je le dis avec un sentiment de colère !! Parce que comme je vais le montrer par la suite, l’émergence du Bikutsi est le résultat du sacrifice consenti par une génération de musiciens qui ont en toute intelligence acceptés de vivre et mourir dans la précarité afin prospère leur art. Lequel art par contre n’a pas manqué d’enrichir des vendeurs de cassettes tel que « MC POP  MUSIC » (Allez chercher le patronyme qui se cache derrière cette appellation commerciale) qui, parti d’une petite boutique de vente de cassettes au marché central de Yaoundé, s’est constitué une immense fortune grâce à la vente des Cassettes de Bikutsi.

Les musiciens qui les ont enrichis sont en train de mourir l’un après l’autre dans la misère la plus abjecte. Quant au makossa, comme je vais le montrer, il a été certes en partie victime de la révolution technologique de la radiocassette qu’il n’a pas su négocier, mais il été surtout victime du choix de la facilité opéré par la jeune génération, qui s’est détournée du chemin de l’excellence tracé par les Pères fondateurs et membres du « Club de Paris ».

I LA VILLE DE DOUALA FUT LE PREMIER « CONSERVATOIRE » D’AFRIQUE FRANCOPHONE

Au cours des années 1970, la ville de Douala fut incontestablement un haut lieu d’apprentissage et de production de la musique. De nombreux musiciens africains qui deviendront plus tard célèbres ont fait leurs premières classes dans les orchestres et les cabarets de Douala. La plus emblématique (elle n’aime pas qu’on parle de son séjour au Cameroun) est la béninoise Angélique Kidjo, mais il y en a de nombreux autres. C’est la voix de Angélique Kidjo qui chante la musique de Makossa « ONINIVE ONINIVEEE MBANANAEEE !!! ONINIVEE !!! ONINIVEEE .. !!! ».

Il  faut dire que dès le lendemain des indépendances des musiciens tels que Manu Dibango, Jean DikotoMandengue et Eko Roosevelt ont effectués d’importants investissements, dans des cabarets équipés d’orchestres ultramodernes modernes, où les jeunes musiciens pouvaient faire leur classes à longueurs de journées et de soirées. Et ces mêmes musiciens chevronnés venaient régulièrement au Pays organiser des « Master classes ». Le relais de Manu Dibango, Jean Dikoto Mandengue et EkoRoosevelt sera pris au début des année 1970 par la génération suivante dont le chef de file fut incontestablement Ekambi Brillant.

OUI ! Il faut le dire avec force, la suprématie du Makossa sur le continent africain à la fin des années au cours des années 1970 et au début des années 1980 est principalement l’œuvre du Grand Ekambi Brillant, qui a investi dans la production des jeunes artistes, tout son argent.

II QUEL FUT CE MODELE INDUSTRIEL QUI ASSURA AU MAKOSSA SA CONSECRATION CONTINENTALE… ET QUI SERA AUSSI LA CAUSE DE SON DECLIN ?

Je l’ai dit plus haut, au cours des années 1960 et au début des années 1970, il existe désormais dans la ville de Douala un puissant et impitoyable écosystème de détection, de formation et de sélection des artistes qui seront produits.

La première étape du processus de production était la suivante : les musiciens faisaient leurs classes pendant plusieurs années au sein des orchestres des cabarets de la ville, qui étaient aussi les lieux de création musicale et… chorégraphique (ce dernier détail sera important dans la suite). Puis le musicien dont la maquette avait été choisie pour être mise sur le marché était envoyé à Paris pour la deuxième étape du processus de production. Le voyage du Musicien était pris en charge par le producteur.

La deuxième étape du processus était l’affaire de musiciens de très hauts niveaux, qui constituaient le « Club de Paris ». Il s’agissait de Toto Guillaume à la Guitare et aux arrangements, Aladji Touré à la Guitare Basse, le Colonel Ebeny Donald Wesley à la Batterie (c’était un militaire américain d’origine camerounaise,en poste au sein de la base militaire américaine de l’OTAN en Allemagne, dont il était aussi le chef d’orchestre), l’antillais Jean Claude Naimro, les Frères Sabbal Lecco à la Guitare, Justin Bowenau Clavier, et parfois Manu Dibango intervenait dans les ventsainsi que ses choristes attitrées, Sissy Dipoko et Kaissa Doumbe Moulongo dans les choeurs. Les enregistrements étaient effectués dans  un des meilleurs studios de la place de Paris, dont l’ingénieur de sons était… Jacob Desvarieux. Les disques qui à l’époque étaient encore des plaquettes de vinyle, étaient aussi pressés à Paris, puis acheminés par avion dans tous les Pays Africains. L’ensemble de ce processus était financé par le producteur qui, jusqu’au début des années 1980 était le plus souvent le Grand Ekambi Brillant, avec parfois le soutien discret de Manu Dibango.

LA PLAQUETTE DE VINYLE AINSI PRODUITE ETAIT VENDUE A YAOUNDE OU DOUALA A 3000 FCFA. IL S’AGISSAIT D’UNE SOMME IMPORTANTE A CETTE EPOQUE, MAIS LE DISQUE COMPRENAIT ENTRE 10 ET 12 CHANSONS TOUTES AUSSI DANSANTES LES UNES QUE LES AUTRES. L’INVESTISSEMENT ETAIT RENTABLE. QUAND AU MUSICIEN LUI-MEME, AYANT FAIT SES CLASSES PENDANT PLUSIEURS ANNEES DANS LES CABARETS DE DOUALA, IL ETAIT TOUJOURS UNEXCELLENT DANSEUR DONT LES CONCERTS FAISAIENT COURIR LES  FOULES. Voilà rapidement décrit, le processus de production musicale qui mettra le Makossa au firmament de la musique africaine jusqu’au milieu des années 1980.

Ce modèle industriel était assez couteux, il fallait au minimum 25 millions de FCFA entièrement financés par le producteur, pour mettre un disque sur le marché. Pour recouvrer l’ensemble des coûts, il fallait vendre au moins dix mille plaquettes de vinyle au prix de 3.000 FCFA l’unité.  Ce processus industriel était économiquement soutenable lorsque les plaquettes de vinyle étaient le seul support de diffusion de la musique.

III L’ÉDIFICE S’EST FISSURE AVEC LA RÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE DE LA RADIO CASSETTE.

Au milieu des années 1980, se généralisent sur le marché, des radios équipées de lecteurs de cassettes, qui simplifient désormais la copie des musiques. C’est ainsi que foisonnent dans tous les coins de rues ce que nous appelions alors des discothèques. Il s’agissait de petites boutiques équipées de matériels de sonorisation d’une part, et d’une multitude de disques d’autre part. Ces disques n’étaient pas à vendre, mais permettaient d’enregistrer sur des cassettes des musiques sélectionnés par le client. Ainsi, au lieu d’acheter à 3000 FCFA une plaquette de vinyle ayant 10 chansons du même musicien, il était désormais possible d’enregistrer dans une Cassette, 12 à 15 chansons de 15 musiciens différents… ET AU PRIX DE 1000 FCFA. Les choses vont se compliquer davantage lorsque quelques mois plus tard le japonais Sony (je crois) met sur le marché… LE WALKMAN !!!

L’avènement de la cassette audio a réduit de manière drastique les coûts de production d’un album de musique, en éliminant le coût de production des plaquettes de vinyle qu’il fallait presser en France. Cela a permis à une nouvelle génération de musicien de Makossa, de contourner les standards de qualité imposés par le « club de Paris »,  en produisant eux même leurs albums, qu’ils diffusaient exclusivement sur le marché local via des cassettes audio. C’est cette  nouvelle génération de musiciens de makossa, dont les survivants sont Ben Decca, Petits Pays et Jean Pierre Essome, qui s’est retrouvé en concurrence frontale face au Bikutsi, sur le seul marché local. Nous reparlerons d’eux en même temps que leurs concurrents du Bikutsi pour mettre en avant les avantages concurrentiels qui ont permis au Bukutsi de les battre à plate couture, mais le cas Ben Decca constitue une curiosité qui meriterait qu’on s’y attarde un peu.

En effet les deux ou trois premiers Albums de Ben Decca furent produits sous la coupole des musiciens du « Club de Paris », le succès fut immédiat et alla toujours croissant jusqu’à la sortie de son troisième Album dont le titre phare était « Wamsé Timba » (je crois). Toutes les femmes ne juraient que par Ben Decca, dont elles étaient carrément devenues amoureuses toutes. Ainsi le meilleur moment pour draguer une fille au Bal était après le passage d’une chanson de Ben Decca en Général, et de sa chanson « WamséTimba » en particulier. Ses Chansons passaient en boucle à longueur de journées au Poste National et dans toutes les FM du réseau public. A la télévision alors… C’était grave !!!

Quand Ben Décca passait à  « Télé Podium » C’était l’hystérie généralisée au sein des femmes présentes dans les tribunes et même dans les ménages à la maison. L’immensité du succès et certainement la quantité d’argent engrangé le rendirent fou et… Il annonça qu’il mettait définitivement un terme à sa carrière musicale. Avec seulement trois albums mis sur le marché. Toutes ses admiratrices étaient en larmes… et les conjoints de ces femmes bien contents (il ne fallait surtout pas exprimer sa joie).

Quand il était ainsi au sommet de son art (grâce à l’expertise des musiciens du « Club de Paris »), Ben Decca n’accusait pas les radios et la télévision officielles de ne pas passer ses musiques. Je me souviens que Alhadji Touré, le Patron du « Club de Paris », de passage à l’Emission « TéléPodium » fut interviewé sur le sujet par le Présentateur Elvis Kemayo, voici exactement la reponse qu’il donna : « C’est ce qui arrive quand un musicien a obtenu un succès largement au-delà de ses rêves les plus fous… il perd la tête ».

Après les larmes, les admiratrices de Ben Decca se mirent toutes en colère contre lui. Quel que soit le lieu, il ne fallait désormais plus commettre l’erreur de mettre une chanson de Ben Decca en présence d’une femme, sinon la sanction était immédiate : Une volée de bois verts bien assenée !!! La haine des femmes… Hum. Voilà le véritable point de départ de la censure généralisée dont sera désormais victime le pauvre Ben Decca. Même son retour dans la musique avec le titre « Réconciliation »ne pourra rien y faire, ce d’autant plus désormais sanctionné aussi par le « Club de Paris » pour son manque de professionnalisme, ses albums suivants n’auront plus la même qualité technique que ses premiers albums réalisés avec le « Club de Paris ».

 Entre temps d’autres jeunes musiciens camerounais qui choisirent  de respecter les standards de qualité de production artistique imposés par le « Club de Paris » et ses producteurs ont continués de porter toujours plus haut le drapeau de la musique camerounaise sur le marché discographique africain. Il s’agit notamment de  Sam Fan Thomas, Lapiro de Mbanga, Louis Roméo NdoumbeDika, et dans une moindre mesure Prince NdedyEyango. Les chansons de ces quatre musiciens passaient en boucle dans les radios et la télévision nationale, ainsi que dans les boites de nuit et les discothèques situées dans tous les coins de rue du quartier. Malgré le fait qu’ils massivement piratés via l’enregistrement de cassettes leurs ventes respectives sur le marché internationale ainsi que leurs multiples concerts permirent à ces quatre musiciens de devenir riches et célèbres grâce à leurs talents.

 

La réussite la plus fulgurante fut très certainement Roméo Dika qui en moins de cinq ans, de 1988 à 1992 collectionna TROIS DISQUES D’OR ET DEUX DISQUES DE PLATINES (dans les ventes de disques et non de cassettes s’il vous plait !!!). La célébrité de Roméo Dika au sein de la jeunesse camerounaise était telle que le RDPC alla le chercher pour en faire son Leader chargé de contrer la montée de l’opposition au  sein de la jeunesse et y faire campagne en faveur du Président Biya pour l’élection présidentielle de 1992 !!! CE QU’IL FIT AVEC BEAUCOUP DE REUSSITES, VU L’AMPLEUR DU CHANTIER.

LA POLITIQUE A FAIT PERDRE A LA MUSIQUE CAMEROUNAISE DEUX DE SES REPRESENTANTS LE PLUS TALENTUEUX AU COURS DES 50 DERNIERES ANNEES : ROMEO DIKA ET LAPIRO DE MBANGA.

Pour conclure cette première partie, je n’ai jamais entendu Sam Fan Thomas, Lapiro de Mbanga, Louis Roméo NdoumbeDika, ou Prince NdedyEyango accuser « le Régime » de quoi que ce soit… Leurs musiques passaient en boucle et à longueur de journées dans les radios et les télévisions, alors qu’ils n’étaient jamais au Pays pour en faire la promotion. Ils étaient toujours partis à l’étranger pour des concerts. Il faut quand même relever ici, qu’après son entrée en politique au sein de l’opposition en 1990, les musiques de Lapiro de Mbanga furent violemment censurées dans les Radios et la télévision nationale… Pour des raisons strictement politique et non tribales. Parce que les paroles de toutes les chansons de Lapiro de Mbanga ou presque, étaient marquées par le sceau de l’engagement militant de leur auteur.

PARLONS MAINTENANT DU BIKUTSI…

Quand mes parents s’installèrent à Yaoundé au début des années 1970, le Bikutsi était encore une musique jouée exclusivement avec des balafons, notamment dans les cortèges nuptiaux. Pour resituer chacun dans le contexte, je vais devoir décrire comment se célébraient les mariages à Yaoundé au cours des années 1970. Le mariage civil se déroulait au centre de la ville, dans la seule mairie de Yaoundé, devant le Maire André Fouda ou un de ses adjoints.

Puis les mariés s’installaient dans une voiture décapotable (une voiture au capot non rigide et pliable à l’arrière), qui prenait la tête du cortège nuptial. Immédiatement après la voiture des mariés il y avait une camionnette à l’arrière de laquelle était installé l’orchestre uniquement constitué de tamtams et de balafons  ainsi que les musiciens. La camionnette de l’orchestre était suivie par d’autres voitures décapotables où étaient installées les filles d’honneur et d’autres femmes en tenue du mariage. Le reste de la famille et des invités étaient dans des voitures normales en fin de cortège.

L’orchestre de Balafons et de Tamtams commençaient à jouer une fois que les mariés sortaient de la salle des actes de la Mairie, et poursuivait sans discontinuer, jusqu’à ce que le cortège nuptial arrive au domicile des mariés. Pendant tous le trajet allant de la Mairie au domicile des mariés, les deux mariés sont debout dans leur voiture décapotable, saluant tous les passants et esquissant des mouvements de danse de temps en temps. Et systématiquement, à chaque carrefour,  le cortège s’arrêtait, tout le monde descendait et entourait les mariés au centre du Carrefour pour une dizaine de minutes de danse frénétique au rythme des balafons. Même les passants étaient autorisés à se joindre au groupe et danser aux côtés des mariés. La danse du marié était particulière, il tenait les deux côtés de sa veste chacun d’une main, faisait des vifs et rapides mouvements d’ouverture-fermeture de sa veste simultanément avec d’acrobatique jeux de jambes. Au bout d’une dizaine de minutes de danse, tout le monde reprenait sa place dans les voitures du cortège nuptial, puis le même scénario était repris au prochain carrefour, jusqu’à l’arrivée des mariés au Domicile familial.

Plus généralement le Bikutsi était dans pendant tous les moments de réjouissances et, dans certains lieux de beuverie qui avaient des orchestres de balafons ; les ancêtres des « Mendzang » actuels. C’étaient les lieux d’expression des groupes tels que « Los Camaroes », « Les Vétarans de la Capitale », et un orchestre de Balafons qui venait de Zoétélé,  je crois et dont j’ai oublié le nom.  Ainsi contrairement à la ville de Douala où des Gens comme Manu Dibango avaient ouverts des Club-Dancing équipés d’orchestres modernes dès le lendemain de l’indépendance, à Yaoundé jusqu’à la fin des années 1970, les seuls orchestres modernes étaient l’orchestre National appartenant au Ministère de l’information et de la Culture, l’orchestre de l’armée, celui de l’Université de Yaoundé, ainsi les orchestres scolaires tels que ceux du Lycée général Leclerc et du Collège Vogt entre autres.

Les premières esquisses de modernisation du Bikutsi seront ainsi l’œuvre de musiciens formés au sein de l’orchestre de l’armée tel que Elanga Maurice, mais davantage au sein des orchestres scolaires tels que Mekongo « Président » et Ange EbogoEmerant. Certes avant eux il y a eu MessiMinkonda Martin, mais lui faisait une musique qui se rapprochait davantage de la Rumba congolaise. Mekongo « Président » va très précocement émigrer vers l’Europe, épousera une femme blanche et, après un succès aussi fulgurant que bref, il aura une fin tragique marquée par une longue maladie mentale au cours de laquelle il sillonnait toutes les rues de la capitale sous le regard peiné des mélomanes.

Ainsi, de mon point de vue le véritable « PERE » du Bikutsi moderne est Ange EbogoEmérant. Nanti d’un CAP option Menuiserie et coffrage obtenu au début des années 1970, Ange EbogoEmérant partage son temps entre les chantiers et l’orchestre de l’Armée où il fait ses classes de musiciens. Après un premier Album en 1977 qui ne connut pas de succès, son Album intitulé « O kon Ma kon » sorti au début des années 1980 aura un succès au-delà de toutes ses espérances. Les revenus qu’il en tire sont si importants qu’il sollicite et obtient de sa banque un crédit d’une vingtaine de Millions de Francs CFA. C’est avec cet argent qu’Ange Ebogo Emérant acheta le premier orchestre appartenant à une personne privée dans la ville de Yaoundé. Nous sommes au début des années 1980.

Cet orchestre appartenant à Ange Ebogo Emerant fut le véritable laboratoire de modernisation du Bikutsi. Il sera aussi pendant une vingtaine d’années, le centre de formation de la quasi-totalité des jeunes musiciens qui donneront par la suite ses lettres de noblesse au Bikutsi, après s’être perfectionné dans les cabarets qui essaimeront à Yaoundé à partir de 1984, financés par une nouvelle génération de mécènes ayant faits fortune dans les marchés publics. Seuls les musiciens qui firent leurs classes dans les orchestres scolaires, comme GovinalNdzingaEssomba et Jean-Marie Ahanda, ne sont pas des produits de l’écoled’AngeEbogoEmerant. Cette Nation ne sait pas célébrer ses héros pendant qu’ils sont encore vivants…

1985… LE DECLIC DU BIKUTSI.

Le véritable déclic du Bikutsi se produit en 1985, lorsqu’à la faveur de la construction de la télévision Nationale, un studio d’enregistrement est mis en service à Yaoundé par l’Etat. Ce studio d’enregistrement trouva un écosystème artistique mûr et aguerris dans les cabarets où les artistes prestent tous les soirs. Les mécènes propriétaires de ces cabarets où les musiciens prestent tous les soirs se muent alors en producteurs artistiques. Il s’agit d’un modèle de production «Super Low-cost »  dans le cadre duquel ; (i) les mêmes musiciens de cabaret sont aussi les musiciens de studio, (ii) les enregistrements sont effectués dans le studio de Yaoundé et non à Paris, (iii) les supports de commercialisation des Albums sont des Cassettes audio enregistrées au Nigeria et non des plaquettes de vinyles pressées en France, et enfin (iv) les rémunération servies par les  producteurs aux musiciens à produire sont quasiment insignifiantes. Les musiciens de Bikutsi qui vivent à Yaoundé ont un train de vie très modeste, comparé aux « vantards » Douala qui tiennent absolument à vivre à Paris. Je ne sais pas ce que la Ville de Paris a fait aux Douala…

Les CDROMS  originaux des artistes de Bikutsi sont vendus à 1000 FCFA au lieu de 3000 FCFA pour le disque pressé en France. La piraterie n’est pas rentable puisque d’une cassette audio vierge coûte environ 500 FCFA sur le marché, et le coût de l’enregistrement au moins autant. Mieux encore, le mélomane qui achet la cassette audio d’un artiste de Bikutsi, sait que cet artiste preste dans tel cabaret tous les soirs, où il peut  le voir et danser avec lui, en concert live, aux côtés des mêmes musiciens qui ont participé à la production de la chanson qu’il aime.  Le Musicien de Makossa qui vit en permanence à Paris n’offre  pas le même « Service après-vente » !!! Et c’est bien cet avantage concurrentiel qui sera décisif en faveur du Bikutsi sur le marché national, car la télévision a besoin de spectacle.

L’AVENEMENT DE LA TELEVISION … ET LE BESOIN DE SPECTABLE.

Le modèle de production «Super Low Cost » du Bikutsi ne permettait  pas aux albums produits d’avoir les même standards de qualité que ceux produits en France par le « Club de Paris », ni de prétendre pénétrer  les mêmes marchés internationaux que les Makossa produits par le même « Club de Paris ». Les acteurs de Bikutsi se sont alors concentrés sur le marché national dans un premier temps. Avec l’avènement de la télévision au milieu des années 1980, il se pose un besoin de production et de diffusion d’images à caractère récréatif. Les musiciens de Bikutsi sont de véritables danseurs aguerris dans les cabarets de Yaoundé, où ils « chauffent » le public tous les soirs. Et ces musiciens de bikutsi qui ne tirent quasiment aucun revenus de la vente de leurs cassettes, ont besoin de faire connaitre leurs qualités chorégraphiques par le public, afin de se faire inviter dans les mariages et autres cérémonies qui leur permettront de gagner un peu d’argent.

 VOILA COMMENT NAIT UNE ASSOCIATION A BENEFICES RECIPROQUES ENTRE D’UNE PART CERTAINS PRESENTATEURS DE LA TELEVISION NATIONALE, ET D’AUTRE PART LES MUSICIENS DE BIKUTSI. Lorsque le présentateur d’une émission à la télévision a besoin d’un musicien pour mettre de l’ambiance dans son émission, il sait qu’il peut trouver ce musicien dans tel Cabaret où il preste tous les soirs. Entre temps le musicien de Makossa qui est à Paris n’est pas accessible. Mieux encore, alors que les musiciens de Bikutsi étaient de talentueux et décomplexés danseurs qui offrent un spectacle télévisuel captivant,  la jeune génération des musiciens de makossa frimaient plus qu’ils ne dansaient. 

Pour Conclure, il n’y a jamais eu au sein des Médias public un complot contre le Makossa et au bénéfice du Bikutsi. Le dire releve de la pure fumisterie politicienne. Je suis un témoin vivant de cette époque et je puis affirmer le traitement de ces deux musiques dans les médias était équilibré. Il se trouve juste que les musiciens de Bikutsi étaient plus présents dans les prestation live en « play back » alors que ceux de Makossa passaient dans les vidéo de concert ou à Télépodium. Cette plus grande présence des musiciens de Bikutsi en « live » était la conséquence de leur plus grande disponibilité, car ils  vivaient à Yaoundé et n’étaient pas coûteux à mobiliser, contrairement aux Musiciens de Makossa qui vivaient à Paris et demandaient des cachets pour prester.

Enfin il est à noter que le virage mal négocié par les acteurs du Makossa a été tardivement rattrapé par Sam Fan Thomas lorsqu’il a ouvert son studion d’enregistrement à Douala, d’oû sont sortis une nouvelle génération de musiciens de makossa dont la figure emblématique fut Kotto Bass de regréttée mémoire.

VRAIMENT TROUVEZ AUTRE CHOSE POUR VOS BATAILLES POLITICIENNES.

 

 




 

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