Reconstruction du NOSO : L’ambitieux plan présidentiel tourne au fiasco
A l’issue du Grand Dialogue National de septembre 2019,
le Chef de l’Etat avait lancé l’initiative de la reconstruction du NOSO. Mais
presque deux ans après, le Ministre Délégué auprès du Ministre de l'Économie,
de la Planification et de l'Aménagement du Territoire, chargé de la
Planification, Paul Tasong Njukang, a eu bien du mal à défendre son bilan le 18
mai 2021 à Douala.
Pour cause, sur un budget initial de 83 milliards, l’initiative n’a jusqu’ici
pu mobiliser que 10 milliards et seuls 3,5 milliards de Fcfa ont été
effectivement dépensés sur le terrain.
Un autre plan présidentiel porteur d'espoir, mais
qui n’a tenu que le temps d’une fleur, au grand dam des populations.
Invité à prendre la parole lors de visite au GICAM du
Premier ministre Joseph Dion, pour une réunion d’appropriation par le secteur
privé du plan présidentiel de reconstruction et de développement des régions du
Nord-Ouest et du Sud-Ouest, Tasong n’a pas su dissimuler sa gêne, reconnaissant
même sur certains points « n’avoir pas respecté les instructions du Premier
ministre ».
Nommé par un arrêté signé de Joseph Dion Ngute, le 4 avril
2020, le coordonnateur national a d’abord plaidé la patience en ouverture de
son propos. « Il a fallu d’abord œuvrer pour le retour de la paix, c’était la
première phase du plan », a-t-il indiqué. Tasong a dit avoir déjà pu collecter
10,5 milliards de Fcfa sur les 89 milliards de budget arrêté dans le cadre de
ce plan qui arrive en application d’une des recommandations fortes du Grand
dialogue national tenu en octobre 2019. Le ministre a ensuite avoué n’avoir
jusqu’ici consommé que 3,5 milliards de ces ressources mobilisées et dont la
gestion est directement assurée par le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD).
L’excuse du Covid
« Pourquoi ce manque de célérité dans la passation de
contrats, comment n’avez-vous pas pu utiliser les 10 milliards mobilisés à ce
jour », lui a opposé le PDG de Buns BTP, Éric Njong, lors de son intervention
pendant les échanges. Pour sa défense, le ministre Tassong a bien évidemment
évoqué la crise sanitaire avant de préciser qu’il se serait déjà rendu dans les
pays donateurs pour lever les fonds promis si le Covid n’avait pas tout bloqué.
En coulisse, un homme d’affaires estime que les gestionnaires de cette cagnotte
freinent des quatre fers en attendant d’identifier d’éventuels circuits de pots
de vin et autres rétro commissions. Le Premier ministre Dion Ngute a pourtant rappelé,
lors de son déplacement à Douala, la nécessité « d’éradiquer l’économie de la
guerre pour la remplacer par une économie réelle et vertueuse ».
D’où son appel au secteur privé qui contribue de l’ordre de
40% au budget de l’État. « Le chômage massif des jeunes favorisent leur
enrôlement, plusieurs jeunes veulent retrouver une vie normale mais manquent de
perspectives, il faut leur redonner espoir », a insisté Dion Ngute. Le cap est
fixé mais encore faut-il se donner les moyens de l’atteindre.
« S’il y a la paix le
reste suivra »
Et l’une des critiques récurrentes vis-à-vis du plan
présidentiel est sans doute son timing. Sans le dire clairement, les hommes
d’affaires pensent que le président a sans doute mis la charrue avant les
bœufs. « S’il y a la paix le reste suivra », a par exemple susurré Christophe
Eken, le président de la chambre de commerce. « Plus de 90% de la population a
tourné le dos aux sécessionnistes », lui a répondu Dion avec force détails.
« En dehors du Lebialem (Sud-ouest), du Mbui et d la Momo
(Nord-ouest), les autres 7 départements des deux régions ont retrouvé une vie
normale ». En passe de gagner la guerre, l’État camerounais doit maintenant
gagner la paix et c’est loin d’être une sinécure. « Il y a encore un travail de
sensibilisation à faire, rebondit l’entrepreneure Kate Fotso. En dépit des
efforts faits par le gouvernement, en dépit de la bonne volonté des communautés
francophones qui ont accueilli les anglophones au point de leur permettre de
monter de petites affaires, beaucoup d’anglophones crient encore à la
marginalisation, il faut savoir pourquoi ce sentiment persiste », argumente la
promotrice de Telcar Cocoa, le plus grand exportateur de Cacao du Cameroun.
« Les projets sur le terrain doivent être supervisés par des
acteurs du développement crédibles. Il faut des mesures fiscales incitatives
pour favoriser ces investissements car les entreprises privées ne font pas la
charité, elles veulent gagner de l’argent », estime pour sa part Olivier Mekulu
Mvondo, le Dg de la CNPS.
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