Procès Mebe Ngo’o : ‘’ J’ai échappé à deux tentatives d’assassinat à Kondengui ‘’
L’ancien Ministre de
la Défense du Cameroun incarcéré depuis deux ans pour les faits de corruption
aggravée et de détournement de fonds, a fait de nouveau face au Tribunal
Criminel Spécial.
Appelé à la barre, Edgar Mebe Ngo’o a donné sa version des faits, et déclamé
les tentatives de meurtre dont il a été la cible depuis son incarcération.
A l’audience du mardi 25 mai 2021, l’ex-baron du régime d’Etoudi
a fait une déclaration liminaire sur ses conditions de survie derrière les
barreaux.
Pendant une trentaine de minutes et dans une salle comble,
il a parlé de ses déboires avec son épouse. Un avant-goût de la première partie
de son interrogatoire dont le compte-rendu sera publié dans notre prochaine
édition.
« Il m’a semblé utile qu’à l’entame de cette phase de
jugement que je vous dise que dé par mon éducation, ma formation et les
responsabilités qu’il m’a été donné d’assumer par le passé […] j’ai toujours
été’ et demeure respectueux des institutions de la République. J’aimerais, que
cela soit su, que nul n’en ignore. Naturellement, je respecte tes institutions
républicaines, la Justice comprise. Je tiens par ailleurs à faire savoir que
j’ai toujours été et demeure déferrent, fidèle, loyal et attaché à la personne
du président de la République, son excellence Paul Biya, qui incarne ces
institutions.
Je mentionne au passage [que] j’ai toujours essayé en plus
de ce respect, à travers les responsabilités que j’ai assumées, de participer à
la protection de ces institutions. C’est notamment la raison pour laquelle
presque depuis deux ans que mon épouse et moi sommes en détention, nous avons
mis un point d’honeur, d’une part, à obtempéré silencieux et stoïques à toutes
les injonctions et réquisitions de la Justice, et, d’autre part, à montrer
l’exemple que nul n’est au-dessus de la loi.
Mais Mme la présidente, je manquerai à mon devoir de
sincérité vis-à-vis du tribunal, honorables membres qui président la
collégialité, si je ne vous disais pas que je suis perplexe. Je précise que la
perplexité c’est lorsqu’on se pose des’questions auxquelles on a du mal à
trouver des réponses. Ça c’est peut-être en off. Je n’ai pas à exprimer des
jugements de valeur. Je suis perplexe face à certaines péripéties qui ont
émaillé cette procédure judiciaire. Je ne citerai pas toutes, ce n’est pas le
lieu. Ça, j’y reviendrai sans doute.
Entre le 4 février,et le 11 mars 2019, date à laquelle on a
été placés en détention, mon épouse et moi (d’autres accusés l’ont été bien
après), nous avons été séquestrés à notre résidence à Odza. Assignés de fait en
résidence surveillée. Cette mesure ne fait plus partie de notre ordonnancement
juridique».
L’ancien ministre sera interrompu par le tribunal parce
qu’il a enlevé son cache-nez, covid-19 oblige. Il sera invité à le reporter. M
Mebe Ngo’o s’est aussitôt exécuté en profitant de l’occasion pour exprimer un
souhait par une digression qui a arraché de gros rires au public. «Nous sommes
transportés dans un véhicule entassés comme des sardines avec des gens qui
toussent sans masque. 11 faudrait user de votre impérium pour que, lorsqu’on
vient ici, on soit en sécurité, sinon vous allez devoir clôturer votre
travaille sans personne parce que nous allons tous mourir».
Présomption d’innocence
Après avoir remis son cache-nez, M. Mebe Ngo’o poursuit son
propos liminaire : «Nous avons été assignés à résidence surveillée par un
impressionnant dispositif de sécurité. 70 éléments de sécurité équipés de 4X4
de combat, d’armes lourdes. Des armes de guerres. Quand je parle d’armes de
guerre, je sais de quoi je parle. Le dispositif de sécurité a été installé dans
tout le périmètre du domicile. Ce que je veux mettre en exergue, c’est
l’atteinte inadmissible au sacro-saint principe de la présomption d’innocence.
Je voudrais vous dire comme vous pouvez imaginer, cette mise
en scène était de notoriété publique dans l’opinion nationale et
internationale. Une chaîne de télévision est venue faire un reportage, repris
dans la presse et sur les réseaux sociaux. Depuis cette date, nous sommes déjà
condamnés. Mieux, avant le début de l’enquête préliminaire, nous étions déjà
condamnés.
Je suis grand-père de huit petits-enfants. L’un a dit à ses
parents qu’il ne veut plus venir dans mon domicile. Les visites étaient
soumises aux règles drastiques. Puisqu’il porte mon nom, il a dit à son père que
Mami et Papi bombo sont trop mauvais parce qu’ils ont volé. 11 n’a que quatre
ans ! Ça lui a été dit par sa maîtresse à l’école.
Madame la présidente, nous avons été mis en détention sur la
base d’une correspondance tronquée et mensongère de l’ANlF : l’Agence nationale
des investigations financières ; le service de renseignement financier.
Conclusion partielle. Ayant foi en nos institutions, nous éprouvons un
sentiment d’insécurité judiciaire doublé d’acharnement, traité avec beaucoup
d’inhumanité. Deux exemples.
Lorsque mon épouse rejoint la prison le 11 mars 2019, on la
sort d’une clinique de la place manu militari par les éléments du GSO
[Groupement spécial d’opération, ndlr], puisque j’ai été Dgsn [Délégué général
à la Sûreté nationale, ndlr). On lui arrache les perfusions. On la ramène en
prison où elle a failli décéder. J’ai la suite, ayant été Tune des premières
victimes du covid-19, elle a été hospitalisée à l’Hôpital central de Yaoundé.
Au dixième jour, on l’a déclarée négative, pendant qu’elle entendait, profiter
pour effectuer des soins suite à une diirurgie qu’elle a subi à Paris, le même
manège s’est produit cette fois avec les agents pénitenciers. On l’a sortie de
l’hôpital manu militari. On l’a conduite à la prison et brutalisée. Nous apprendrons
plus tard qu’elle a tenté de s’évader.’Une malade qui va avec les béquilles
s’évade ?
Pour ma part, j’ai échappé à deux tentatives d’assassinat.
Je sais de quoi de parle. La première fois, c’était lors des émeutes en prison
en juillet 2019. La deuxième fois, le 4 février 2021. Si j’ai échappé à ‘ ’ la
mort, c’est par la volonté indépendante à mes assaillants.
Secret défense
Les infractions qui me sont reprochées sont supposées avoir
été commises du temps où j’exerçais les fonctions de ministre délégué à la
présidence en charge de la Défense. Je ne vous apprends rien en disant que la
majorité des activités de cette administration, de ce département ministériel,
sont protégées par le secret défense. Ce secret défense concerne les
informations, les renseignements, procédés à caractère militaire, d’origi ne
gouvernementale ou diplomatique dont la divulgation auprès des personnes non
autorisées peut nuire, hypothéquer et remettre en cause la défense natio- •
nale. Naturellement, je ne suis plus ministre délégué à la présidence en charge
de la Défense, mais je demeure astreint à l’observation de cette obligation.
Toutefois, par respect pour le tribunal qui rend la Justice
au non du peuple camerounais, par respect pour votre auguste juridiction, pour
vous honorables membres de la collégialité, j’ai choisi de répondre aux
questions qui me seront posées. Mais madame la présidente, je le ferais dans la
limite des contraintes que m’impose cette obligation.
Je terminerais par une doléance, -celle de solliciter
l’indulgence et la compréhension du tribunal si je reste circonspect, nuancé
sur les questions qui me seront posées et si je ne réponds pas à certaines de
vos questions».
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