Grégoire Owana à cœur ouvert : ‘’ Amougou Belinga doit demander pardon aux camerounais ‘’
Le
ministre du Travail et de la sécurité sociale, Monsieur Grégoire Owana, a
épluché avec nos confrères du journal Le Jour, les gros titres qui ont marqué l’actualité
au Cameroun ces derniers jours.
Nous vous proposons l’intégralité de l’entretien paru ce lundi 21 septembre
2020.
Monsieur le ministre, « le débat sur la dépouille du
président Ahidjo vient de refaire surface dans l’espace public, suite à ce qui
est déjà qualifiée par certains comme « l’affaire Me Alice Nkom contre
Fadimatou Ahidjo ». Quelle est votre avis sur cette actualité politique ?
J’attache du prix à la considération que nous devons aux personnalités
publiques, encore plus aux chefs d’État, même à titre posthume et par ricochet,
je pense que nous devons respecter leur vie, leurs familles et leurs valeurs.
Nous avons tous le souci de voir des familles ou des personnes mieux se porter
et jouir de leurs droits, mais souvenons-nous toujours que nous devons aussi
respecter les choix de ces familles, leurs convictions socioreligieuses. Il
appartient aux ayants-droits du défunt Président de la République, de garder le
leadership et d’initier toutes démarches relatives aux obsèques de ce grand
chef de famille, même si c’est une grande figure historique de la Nation.
Camer.be. Dans le même sens, des questions de pensions sociales devraient être
traitées selon les lois et procédures en vigueur mais surtout dans la dignité
des personnes. La mémoire du président Ahidjo mérite plus de respect. Ma
quinzaine d’années de service à la présidence de la République m’a appris
beaucoup et m’a montré que le président Paul Biya avait un profond respect pour
la famille et la vie privée des citoyens. Je n’ai pas vu une seule fois le
Cabinet civil imposer un programme d’obsèques à une famille ni même élaborer ce
programme à sa place. Le Cabinet civil ne peut que s’approprier, pour
exécution, ce que la famille décide. Le décret des obsèques officielles porte
entre autres la date et le lieu fixés par la famille.
Autre sujet dans l’actualité, Monsieur le ministre.
Quelle réaction suscite en vous la restructuration en cours de la chaine de
télévision Vision4, le Groupe l’Anecdote étant par ailleurs réputé proche du
régime ?
Une restructuration est une étape dans la vie des entreprises, justifiée par
diverses situations généralement conjoncturelles. J’espère vivement que toutes
nos entreprises et holding demeurent prospères, par ce qu’une entreprise ou
groupe d’entreprises qui passe en restructuration, ou annoncée sur la voie de
la fermeture, c’est un mauvais signal pour l’économie. En effet, au-delà des
promoteurs qu’on peut apprécier ou pas, ce sont des emplois qui seraient ainsi
menacés ou perdus d’une part et, quand il s’agit du secteur des médias, ce
n’est pas bon signe pour la démocratie par ce que c’est une façon de penser, de
traiter de l’actualité qui s’éteint alors. La force de la démocratie c’est la
pluralité de pensées et la liberté de s’exprimer des différentes composantes
sociales. Je milite pour le débat contradictoire et pour la pluralité
d’opinions dans le respect des institutions et le respect des uns et des
autres. Par ailleurs, je ne sais pas si ce groupe de presse est spécialement
proche du régime, mais je constate qu’il apporte par sa ligne éditoriale une
certaine contradiction à quelques autres médias qui militent pour le chaos et
ne voient les choses qu’en noir.
Ce groupe de presse et son patron sont pourtant au
centre de plusieurs controverses et au tout début, il y a quelques semaines
vous êtes intervenu par un tweet pour demander aux protagonistes de ce qui
apparaissait comme une guerre de clans dans votre communauté à se taire et
d’arrêter le « massacre public » ?
Oui, effectivement j’ai invité ces protagonistes de ma communauté de base à
rentrer en famille et s’étriper si nécessaire, compte tenu de ce qui semble les
opposer. Ce n’est pas moi qui ai dit que « le linge sale se lave en famille »,
c’est une grande sagesse bantoue. Il est vrai que les jeunes ont des ambitions
et ont besoin d’être protégés et même respectés mais il est important que nous
comprenions que dans notre tradition et notre culture on respecte les
patriarches et on les vénère même, en se gardant de dire n’importe quoi
publiquement contre un ainé. Comme tout humain, nul n’est parfait et lorsqu’on
a des divergences quelconques, il ne faut pas que les forces de l’argent et de
la politique nous fassent oublier notre culture, qui restera quand tout sera
parti. Je n’ai pas de parti pris, même si certains tentent de le laisser
croire, je ne sais même pas de quoi il retourne dans les affaires évoquées,
j’ai tout simplement face à ce qui sera conte en cette circonstance invité les
acteurs à poursuivre le débat en famille où il appartiendra aux jeunes de
savoir demander pardon et aux aînés de sanctionner si nécessaire afin de
repartir du bon pied pour l’intérêt de la famille ou de la communauté mais
aussi pour l’intérêt du Cameroun.
Vous avez semblé vouloir faire éviter la vindicte au
principal protagoniste de cette affaire qui n’est pourtant pas spécialement
votre ami ?
Il est loin d’être mon ami et je vois à quoi vous faites allusion. C’est un
jeune Camerounais, un jeune frère qui a réussi à se faire une place au soleil
dans le monde des affaires et aussi dans le monde de la presse où je l’ai
découvert. J’ai été cité dans des affaires sordides par son journal à l’époque,
mais j’ai porté l’affaire devant la justice de notre pays et j’ai eu gain de
cause au terme du procès en demandant seulement un franc symbolique pour
réparation. L’essentiel était de rétablir mon honneur. Camer.be. J’ai pardonné
et j’ai tourné la page. Cependant j’ai aussi découvert beaucoup de choses
pendant et après le procès qui donneront très certainement sujet à un livre
déjà en préparation ; je vous l’annonce aujourd’hui. Je ne m’attarderai donc
pas là-dessus. C’est donc un opérateur économique qui a sa place dans notre
société, société au sein de laquelle il a des droits et des devoirs. Il doit se
conformer aux lois et règles de la République et de notre culture qui interdit
en particulier d’affronter publiquement les aînés et sur ce dernier plan, il a
été trop loin. A mon avis cela est grave et maladroit de s’attaquer et
d’insulter toute la communauté comme vous l’avez entendu. Mais les aînés ont un
devoir, celui de conseiller et de protéger les jeunes. Nous sommes tous friands
de clivages et d’intrigues mais ça ne vaut pas la peine de mettre l’huile sur
le feu et surtout certains parmi nous doivent avoir le courage de se prononcer
publiquement. C’est une responsabilité collective. Je souhaite que cette
affaire qui choque tout le monde et pourrait porter atteinte à l’image de la
République s’estompe. C’est pour cela que j’appelle publiquement nos
patriarches Beti précisément à agir pour sauver ce qui peut et doit l’être. Je
n’ai pas compétence, tout ministre que je suis pour m’en occuper. La communauté
Beti gagnerait pour le bien du Cameroun à régler tout cela et j’espère beaucoup
que c’est cela qui est en train de se faire. En résumé, on n’est pas amis. On
n’est pas ennemis. Nous sommes des citoyens camerounais qui devons se respecter
et travailler chacun dans son couloir pour le développement du pays. J’estime
tout simplement qu’il doit de franches excuses aux Camerounais qu’il a traités
de tous les noms d’oiseaux et j’en fais partie, et c’est ça son problème.
Vous êtes ministre du Travail et de la Sécurité
Sociale. Une entreprise qui entre en restructuration, cela augure d’un
dégraissement au plan social et les nouvelles récentes du côté de Vision4
l’attestent. Qu’entendez-vous faire dans ce cas ?
Le Cameroun a une législation du travail connue de tous et applicable en
toutes circonstances. Le management et les personnels des entreprises
concernées doivent se conformer à la réglementation en cas de rupture ou de
renouvellement des contrats. L’Inspection du travail est à leur disposition.
Camer.be. Nous sommes donc en veille et à l’écoute pour accompagner ce
processus et veiller à ce que les droits de chaque partie soient
scrupuleusement respectés, en particulier ceux des travailleurs. Le ministère
du Travail et de la Sécurité Sociale fera en toute objectivité son devoir, rien
que son devoir, tout son devoir.
Le Jour, parution lundi 21 septembre
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