Achille Mbembe, sidéré par l’idolâtrie des jeunes envers le défunt chanteur ivoirien: ‘’Arafat était un malade mental ! ''
C’est une brève
chronique publiée par l’historien philosophe qui risque bien de créer la
polémique auprès des fans du défunt chanteur ivoirien, Ange Didier Houon alias
Dj Arafat de son nom de scène.
En effet, le célèbre professeur d’université et théoricien s’est offusqué de la
popularité du Yorobo, qui incarne selon lui la démence et l’abrutissement de la
jeunesse africaine.
Achille Mbembe, est un philosophe théoricien du
post-colonialisme, politologue, historien et professeur à l’université du Wits
Institute for Social & Economic Research of Witwatersrand de Johannesburg
en Afrique du Sud.
Ce mardi, il a tenu à donner son avis sur les événements relatifs à la mort
et aux obsèques du Roi du Coupé décalé, Dj Arafat.
Dans cette publication au titre assez provocateur -‘’Arafat était un malade
mental’’-, l’historien déclare qu’il
n’avait jamais entendu parler de l’icône de la musique ivoirienne, et qu’il
préfère attribuer la nom ‘’Arafat’’ à la cause palestinienne, et non aux chansons
déviantes des ‘’Chinois’’.
Dans les lignes suivantes, nous vous proposons l’intégralité de sa chronique :
Je dois être l’un des très rares Africains à n’avoir
jamais entendu parler de DJ ARAFAT. L’Histoire - H majuscule - est peut-être
passée sans que je m’en aperçoive.
Pour moi, le nom d’Arafat a toujours été associé à la
cause palestinienne. À la libération d’un des peuples les plus martyrisés de la
Terre. Pas aux ‘Chinois’.
Les seules funérailles d’Arafat qui m’ont marqué furent
celles du leader palestinien à Ramallah, mort empoisonné par qui vous savez.
Scènes déchirantes d’une foule incrédule elle aussi, face à la faux, le “Great
Reaper” ammasseuse de têtes, les grandes vendanges.
J’étais pourtant à Abidjan l’autre semaine ou l’autre
année. C’est vrai, c’etait a la Banque africaine de développement. Pas à
Yopougon, l’autre monde, ce terme qu’affectionnait le regretté Sony Labou
Tansi, cet autre Arafat de la langue.
Célestin MONGA, mon frère, avait pris soin de me faire
visiter bien des coins. Il m’a traîné des nuits de suite dans des clubs et
restaurants, et pas des plus huppés je vous assure. Musique congolaise,
coupe-décale, je ne sais pas comment j’ai pu éviter le “Zeus africain”.
Mais voilà, il s’en est allé comme il est venu. Certains
se noient en Méditerranée. D’autres sont achetés en Lybie. D’autres encore sont
enfouis dans les sables du Sahara. Lui a préféré la moto. En Afrique, chacun
meurt comme il peut.
Quoique l’on pense, il est tout de même significatif que
des millions d’entre nous cherchent à répondre d’abord au nom de l’Arafat
ivoirien, mais pas à celui du Palestinien. Cela en dit long sur l’heure qu’il
est, celle du matérialisme radical et de la jouissance à l’encan.
J’ai finalement écouté DJ Arafat. La verdeur et la
truculence. Le principe génital. Le virilisme et la dépense corporelle. Cette
espèce de frénésie reptilienne et ce désordre des sens dont parlait Frantz
Fanon dans ses commentaires sur les rites de possession en situation coloniale.
Les possédés d’aujourd’hui sont prêts à aller plus loin.
Ils refusent la mort et sa réalité. Non en s’attaquant à ses causes profondes,
mais en l’habitant dans un tragique geste d’ingestion.
Arafat est certes mort à 33 ans. Mais pas sur la Croix.
De résurrection au troisième jour, il ne pouvait guère y en avoir. Déçus, ses
disciples ont tenté de le réveiller de force de son sommeil, dans un geste à la
fois eucharistique et cannibalique.
Voilà les héros africains d’aujourd’hui, les
footballeurs, les musiciens, les pasteurs, les hommes armés, les tyrans et
leurs sicaires, comme à l’époque de la Traite des esclaves, et la fête de
l’homme riche raconte par le regretté Memel Fote, anthropologue ivoirien.
Une société profondément malade s’étripe aux yeux d’un
monde lui-même devenu ivre. Le culte de la jouissance a remplacé celui des
fétiches. Une jeunesse sonnée et enfermée dans cette gigantesque prison qu’est
le Continent se livre, les yeux ouverts, au songe empoisonné du nihilisme et
mime sa propre destruction, rassemblée autour de la dépouille d’un homme devenu
le symbole de notre auto-dévoration !
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